La densité médicale correspond au nombre de médecins rapporté à la population, généralement exprimée pour 100 000 habitants. Cet indicateur, couramment utilisé pour analyser l’égalité d’accès aux soins, permet de cartographier la répartition des praticiens sur un territoire donné. Mais au-delà du simple chiffre, la densité médicale renvoie à une pluralité de réalités : elle reflète les dynamiques démographiques, les choix d’installation, l’attractivité territoriale, et les logiques de politiques publiques en matière d’offre de soins.
La région Auvergne-Rhône-Alpes (ARA), deuxième de France en nombre d’habitants après l’Île-de-France (plus de 8 millions selon INSEE 2024), se distingue par une extrême diversité de ses territoires. Mégalopoles urbaines, périphéries industrielles, vallées alpines et vastes espaces ruraux coexistent, dessinant une mosaïque géographique qui rend la question de la densité médicale particulièrement complexe.
Selon les données du Conseil National de l’Ordre des Médecins (Atlas démographique 2023), la densité moyenne de médecins généralistes en Auvergne-Rhône-Alpes s’élève à 135,7 pour 100 000 habitants. Ce chiffre recouvre, en réalité, de fortes disparités internes :
Ces écarts sont encore plus marqués si l’on considère les spécialistes ou la médecine de proximité hors grandes agglomérations. À titre de comparaison, la densité nationale est autour de 152,8 pour 100 000 habitants. Ainsi, certains territoires d’ARA, en particulier le rural montagneux, se situent nettement en dessous de la moyenne nationale.
Plusieurs facteurs expliquent la répartition très hétérogène des professionnels de santé dans la région :
Un élément marquant : en 2023, 39 communes d’Auvergne-Rhône-Alpes ne comptaient aucun médecin généraliste (source : Observatoire régional de la santé ARA).
Les inégalités d’accès aux médecins ne sont pas qu’un enjeu statistique. Elles ont de réels effets sanitaires et sociaux :
Le terme de « désert médical » s’est imposé pour désigner les zones où la population rencontre des difficultés majeures à accéder à un médecin traitant.
Face à cette crise, les territoires se mobilisent. Quelques exemples illustratifs montrent comment la région tente de transformer la contrainte en terrain d’innovation :
Plusieurs politiques nationales et régionales s’articulent pour tenter de rééquilibrer la répartition médicale :
Malgré l’effort, le recouvrement des départs à la retraite par les arrivées de jeunes praticiens ne suffit pas à compenser le creux démographique, notamment dans les départements du Massif central et des Alpes du Nord.
Si la densité médicale demeure un marqueur déterminant des inégalités d’accès aux soins, la solution n’est sans doute pas uniquement quantitative. La tendance actuelle va vers une transformation qualitative de la pratique :
Le défi n’est donc pas seulement d’attirer plus de médecins, mais aussi de repenser leur rôle et leur lien avec la communauté locale, notamment en orientant la formation vers la médecine rurale et l’organisation du temps médical.
L’exemple d’Auvergne-Rhône-Alpes montre bien que la densité médicale reste un déterminant structurant des inégalités territoriales de santé, mais qu’elle interagit avec de nombreux autres facteurs, notamment sociaux, économiques et numériques. Les solutions sont, à l’image du territoire, plurielles :
L’avenir se construira à l’échelle des bassins de vie, où coordonner l’ensemble des acteurs pour garantir, malgré la fragmentation géographique, un égal accès à la prévention et aux soins. Façonner une région où la santé ne serait plus conditionnée par le lieu de domicile reste un horizon concret, mobilisateur, et à la portée d’une coalition de volontés locales et collectives.
Sources principales : Atlas Démographique du CNOM ; Observatoire régional de la santé ARA ; DRESS ; ARS Auvergne-Rhône-Alpes ; INSEE 2024 ; IRDES ; Assurance Maladie ; INCa – Registres régionaux de dépistage.