L’Auvergne-Rhône-Alpes, deuxième région la plus peuplée de France avec près de 8 millions d’habitants (source : INSEE, 2023), est souvent vantée pour son dynamisme économique, son attractivité et la qualité générale de vie qu’on lui prête. Pourtant, derrière ce tableau globalement positif, la réalité de la santé des habitants varie considérablement d’un territoire à l’autre. Ruralité, montagne, villes denses, zones périurbaines : la région illustre, parfois de façon aiguë, la fracture territoriale qui impacte l’accès aux soins, la prévention et la qualité de vie.
Mettre en lumière la géographie des inégalités de santé au niveau régional ne se résume pas à comparer Lyon à Aurillac ou Saint-Étienne à Annecy. Il s’agit d’explorer la superposition de facteurs économiques, sociaux, environnementaux et organisationnels. Quelles sont les grandes lignes de ces disparités ? Quelles en sont les causes et les conséquences ? Et comment avancer vers une meilleure équité en santé ?
Si l’espérance de vie à la naissance en Auvergne-Rhône-Alpes est globalement supérieure à la moyenne nationale (80,4 ans pour les hommes, 85,7 ans pour les femmes en 2021 – source : ORS ARA), cette moyenne régionale masque d’importantes disparités internes :
Ces écarts se retrouvent aussi dans les causes de mortalité : la région présente un gradient Est-Ouest pour les maladies cardiovasculaires et certains cancers (par exemple, le taux de décès par maladie respiratoire chronique est 1,7 fois plus élevé dans l’Allier que dans le Rhône – DREES, 2022).
Les écarts d’accessibilité géographique aux soins sont devenus un enjeu majeur en Auvergne-Rhône-Alpes, région où coexistent le cœur d’une métropole (Lyon) et de vastes territoires peu peuplés, difficiles d’accès ou vieillissants. Plusieurs dimensions sont à prendre en compte :
L’île de santé urbaine et la diagonale du vide sanitaire se dessinent très nettement sur le territoire, illustrant une séparation entre les potentiels de prise en charge rapide et l’expérience de l’isolement sanitaire.
Les disparités territoriales de santé ne s’expliquent pas uniquement par la géographie physique ou l’urbanisation. Elles s’appuient et s’entrecroisent avec des inégalités sociales marquées :
Dans ces territoires, l’état de santé global s’éloigne de la moyenne régionale, avec davantage de maladies chroniques, de troubles de santé mentale non pris en charge et une consommation réduite de soins de prévention (dépistage du cancer du sein, vaccination, etc.).
Au-delà de l’offre médicale brute, plusieurs facteurs aggravent ou amortissent les inégalités de santé territoriales.
La compréhension de ces inégalités passe par la mobilisation de plusieurs angles d’analyse :
L’accès à la santé ne se joue pas uniquement sur le nombre de professionnels, mais sur l’irrigation de tout un écosystème : présence de réseaux, adéquation des soins avec les besoins locaux, capacité à aller vers les publics éloignés.
Si le diagnostic des inégalités reste imparfait, de nombreuses initiatives naissent chaque année, portées par des professionnels, des collectivités et des associations, conjuguant approche pragmatique et solidarité territoriale :
Les disparités territoriales de santé en Auvergne-Rhône-Alpes ne représentent ni une fatalité géographique, ni une simple question médicale. Elles résultent d’une accumulation de facteurs économiques, sociaux et organisationnels, qui requièrent une réponse multifacette : soutien aux professionnels, innovation organisationnelle, politiques d’accès, actions sur les déterminants sociaux et environnementaux.
Nombre d’acteurs de terrain l’ont compris : la question de la santé dans les territoires vulnérables dépasse la stricte “distribution” de soins. Elle interroge la capacité du système à inventer, à se rapprocher, à co-construire autour des habitants, pour rééquilibrer la balance. Le recueil, l’analyse et la publication régulière de données spécifiques à l’Auvergne-Rhône-Alpes s’avèrent, à ce titre, essentiels pour guider les politiques, nourrir les initiatives et mesurer le chemin parcouru.
Approfondir la réduction de ces écarts, c’est aussi investir dans l’éducation, la mobilité, l’environnement et tisser partout où c’est possible des réseaux d’information et de confiance. Une ambition exigeante, mais essentielle, pour une région qui ne manque ni d’idées, ni d’engagements, ni de territoires à relier.