Les inégalités sociales de santé désignent les écarts observés dans l’état de santé selon le statut socio-économique, l’origine géographique ou sociale, l’âge, et d’autres déterminants (cf. OMS, Inserm). La région Auvergne-Rhône-Alpes, bien qu’elle affiche dans son ensemble des indicateurs favorables comparés à d’autres grandes régions françaises, présente un visage contrasté lorsque l’on examine de près certaines populations ou territoires.
La diversité géographique (massifs montagneux, plaines, zones urbaines ou rurales), la composition démographique et les inégalités socio-économiques structurent profondément l’état de santé des habitants. Les écarts sont ainsi loin de se résumer à une opposition entre ville et campagne : ils recoupent des réalités complexes mêlant précarité, isolement, difficultés d’accès aux soins et discriminations.
En Auvergne-Rhône-Alpes, plus de 8 % de la population vit sous le seuil de pauvreté, mais le taux grimpe à 21 % dans certaines zones de la périphérie lyonnaise ou de la Drôme (Source : Insee, Drees). De nombreux indicateurs permettent de dresser la cartographie de ces inégalités :
Derrière ces chiffres, ce sont des réalités singulières : des enfants, des actifs, des personnes âgées vulnérables ou isolées. Qui sont ces populations plus exposées au cumul des difficultés sanitaires ?
Les inégalités de santé se construisent dès l’enfance. En Auvergne-Rhône-Alpes, 15 % des enfants vivent dans une famille pauvre, un chiffre proche de la moyenne nationale mais qui masque des disparités : on compte deux fois plus d’enfants pauvres dans la Loire ou l’Allier que dans la Haute-Savoie. Les conditions de vie influent directement sur la santé dès le plus jeune âge :
Les dispositifs d’accès aux soins (PASS, PMI ou réseaux associatifs) jouent un rôle majeur, mais peinent à couvrir tous les besoins, notamment dans les zones rurales dispersées.
La région est l’une des plus vieillissantes de France, avec plus de 1,3 million de personnes de plus de 65 ans. Mais la longévité s’accompagne d’importantes inégalités :
La précarité énergétique, l’habitat indigne, et le manque de mobilité amplifient ces disparités, en particulier dans les zones de montagne (Ardèche, Savoie, Cantal).
Si l’Auvergne-Rhône-Alpes bénéficie d’un bassin d’emploi dynamique, la précarité professionnelle reste forte : intérimaires, saisonniers, agents d’entretien, travailleurs agricoles ou du BTP sont parmi les plus exposés. Les effets sur la santé sont multiples :
La précarité de logement, l’impossibilité de trouver un médecin traitant (7 % de la population sans médecin référent dans certaines communes rurales), aggravent la situation.
Entre 2015 et 2020, la région a accueilli plus de 20 000 nouveaux migrants statutaires, dont une majorité dans les métropoles (Lyon, Grenoble, Saint-Etienne), mais aussi dans des accueils d’urgence ruraux (Puy-de-Dôme, Drôme).
Les associations jouent un rôle essentiel, mais les inégalités d’accès persistent, notamment à la jonction entre structures d’urgence et médecine de ville.
Avec plus de 310 000 personnes en situation de handicap recensées (MdPH, 2022), la région Auvergne-Rhône-Alpes connaît une forte disparité concernant :
L’instauration récente de maisons départementales mutualisées et de dispositifs "Handigynéco" dans certains départements (Puy-de-Dôme, Rhône) offre des avancées, mais les besoins restent largement supérieurs à l’offre.
Ces catégories ne s’excluent pas : l’effet cumulatif agit comme un amplificateur. Une femme immigrée, âgée et vivant seule dans une zone rurale, présentera un risque de renoncement aux soins bien supérieur à la somme des risques de chaque groupe pris séparément.
Les analyses territoriales confirment que :
Face à ce constat, la région voit émerger une variété d’initiatives concrètes :
Mais ces dispositifs restent trop souvent à l’état d’expériences-pilotes, avec des difficultés de pérennisation et de généralisation à l’ensemble du territoire régional.
L’ampleur et la diversité des inégalités de santé en Auvergne-Rhône-Alpes interpellent, mais la multiplication d’initiatives, l’attachement à l’innovation sociale et l’engagement local ouvrent de nouvelles perspectives. La réduction des inégalités impose une action conjointe : analyse fine des besoins, refonte des parcours territorialisés, renforcement de la prévention, et surtout, implication des publics concernés dans les réponses.
La région, laboratoire d’innovations en santé et en solidarité, peut être un terrain d’expérimentation pour des politiques de réduction des écarts, si l’on parvient à articulariser dispositifs locaux, coordination régionale et appui renforcé à la participation citoyenne.
Pour aller plus loin :