Dans l’ensemble de la région Auvergne-Rhône-Alpes, l’écart d’espérance de vie en bonne santé selon le niveau d’études reste considérable. Ce constat, confirmé par les données de l’INSEE et de Santé publique France, s’observe partout en France, mais la mosaïque territoriale de la région en exacerbe certaines particularités. Dès la sortie de l’adolescence, la trajectoire scolaire oriente durablement l’accès à l’emploi, au logement, et in fine à la santé.
Le rapport “État de santé de la population en Auvergne-Rhône-Alpes” publié en 2023 par l’ARS relève un écart d’au moins 6 ans d’espérance de vie entre les 20% les plus diplômés et les 20% les moins diplômés. Cette différence ne tient pas uniquement à des causes directes (comportements à risque par exemple), mais aussi à l’exposition aux conditions de vie délétères qui s’accumulent au fil des années.
Les personnes disposant d’un faible bagage scolaire participent nettement moins aux campagnes de dépistage (cancer du sein, colorectal, etc.). Selon Santé publique France, en 2021, le taux de participation au dépistage organisé du cancer colorectal ne dépassait pas 25% chez les personnes sans diplôme ou avec un niveau inférieur au baccalauréat dans certains territoires ruraux d’Auvergne-Rhône-Alpes, contre plus de 45% parmi les diplômés du supérieur en zones urbaines.
La prévalence du tabagisme quotidien est encore supérieure de 10 points chez les adultes au niveau collège ou moins par rapport aux personnes issues de l’enseignement supérieur (Enquête Baromètre Santé 2021, ARS Auvergne-Rhône-Alpes).
Le cumul des précarités (école, emploi, conditions de vie) engendre aussi un sur-risque de troubles psychiques. L’exposition au décrochage scolaire dès la 4ème augmente le risque de troubles anxieux ou dépressifs à l’âge adulte, avec un impact d’autant plus marqué que le niveau de diplôme sera bas (INSEE, 2023).
Auvergne-Rhône-Alpes recouvre des réalités éducatives très hétérogènes. Si les métropoles (Lyon, Grenoble, Clermont-Ferrand) affichent des taux d’accès au supérieur supérieurs à la moyenne nationale, certaines aires rurales, notamment en Haute-Loire, dans le Cantal ou l’Ardèche, restent marquées par des taux de non-diplômés de près de 20% chez les 25-54 ans (source : INSEE, 2021).
Les départements de la Loire et de l’Isère montrent des disparités internes marquées entre quartiers : à Saint-Étienne, certains quartiers concentrent jusqu’à 30% de non-diplômés parmi les actifs (Insee, 2022). Ce clivage se double d’une offre de soins parfois limitée hors des grands centres urbains.
L’influence du milieu social sur la réussite éducative reste forte, malgré les politiques dites “d’égalité des chances”. Dès l’entrée à l’école, les inégalités de langage, de comportement et d’accès à des activités culturelles se répercutent ensuite sur la scolarité, puis sur la position sociale, et enfin sur l’état de santé.
Les trajectoires sont rarement linéaires : plusieurs études en épidémiologie sociale montrent que les manques accumulés (retards de langage, stress familiaux, décrochage scolaire) finissent par constituer une “dette de santé” difficile à combler une fois adulte. Le phénomène concentre la morbidité évitable parmi les personnes cumulant désavantage éducatif et précarité.
Plusieurs dispositifs agissent en prévention primaire dans la région, avec une place importante donnée à l’éducation à la santé dès le plus jeune âge.
L’accès à l’éducation pour la santé ne peut se limiter aux établissements scolaires. L’ARS a, depuis 2020, renforcé les financements pour des interventions “hors les murs” : dans les quartiers prioritaires, les missions locales, ou les ateliers santé-ville.
Certains bassins de santé urbaine pilotent aussi des médiations santé pour les jeunes décrocheurs, notamment sur la vaccination ou la santé mentale (rôle des CCAS et associations de prévention spécialisée). Ces initiatives permettent d’apporter de l’information adaptée aux personnes avec un faible niveau d’études ou en rupture scolaire, là où la prévention “classique” n’atteint pas.
L’éducation et la santé sont souvent pensées séparément, mais à l’échelle de l’Auvergne-Rhône-Alpes, leur imbrication structure durablement la vie des habitants. Lutter contre les inégalités de santé suppose d’agir simultanément sur les inégalités éducatives, dès l’enfance, et de soutenir les adultes éloignés des apprentissages.
C’est en multipliant les passerelles entre les mondes éducatif, médical, social et associatif, en ancrant les actions dans les territoires et en s’attaquant aux “causes des causes”, que la région pourra réduire les écarts qui pèsent sur la santé. Mettre en lumière les initiatives locales permet à la fois de valoriser ce qui fonctionne et de nourrir l’action collective pour une santé plus équitable.
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