Pollution de l’air en Auvergne-Rhône-Alpes : comprendre les menaces sanitaires locales

3 novembre 2025

La région Auvergne-Rhône-Alpes se distingue par la diversité de ses paysages et de ses dynamiques urbaines. Entre les vallées industrielles, les grandes agglomérations et les reliefs montagneux, les niveaux de pollution de l’air varient sensiblement. Cette hétérogénéité influe directement sur la santé des habitants.

  • Les bassins grenoblois et lyonnais enregistrent régulièrement des pics de pollution, en particulier en période hivernale, du fait de leur topographie encaissée et du chauffage résidentiel.
  • La vallée de l’Arve est particulièrement réputée pour ses niveaux préoccupants de particules fines (PM10), dues au trafic routier et au chauffage au bois.
  • Des zones rurales profitent parfois d’un air plus pur, mais ne sont pas épargnées lors de phénomènes de pollution transfrontalière ou d’épisodes de pollution photochimique estivale (ozone).

Selon Atmo Auvergne-Rhône-Alpes, près de 4 habitants sur 10 de la région vivent dans des zones où les objectifs européens de qualité de l’air ne sont pas respectés (Atmo AURA, estimation 2022).

La surveillance de la qualité de l’air s’intéresse à différents polluants atmosphériques, chacun ayant un impact spécifique sur la santé :

  • Particules fines (PM10, PM2,5) : issues du trafic routier, du chauffage, de l’industrie. La vallée de l’Arve enregistre des concentrations jusqu’à 3 fois supérieures à la moyenne nationale certains jours d’hiver.
  • Dioxyde d’azote (NO) : surtout émis par les moteurs diesel, en forte concentration le long des axes urbains majeurs, notamment à Lyon, où certains points dépassent le seuil réglementaire annuel (40 µg/m3) (Métropole de Lyon).
  • Ozone (O) : formé lors des épisodes de fortes chaleurs, touche en été les zones périurbaines et rurales.

Auvergne-Rhône-Alpes figure malheureusement parmi les régions métropolitaines les plus concernées par les dépassements de seuils pour le NO et les particules (Santé Publique France).

Les effets sanitaires de la pollution atmosphérique sont désormais bien documentés. Aucun organe n’est véritablement épargné. Selon l’Organisation Mondiale de la Santé, la pollution de l’air figure parmi les dix premiers facteurs de risque de mortalité dans le monde.

Pathologies respiratoires

Parmi les premiers touchés :

  • Crises d’asthme, surtout chez l’enfant : la région connaît un des taux d’hospitalisation pour asthme pédiatrique les plus élevés de France lors des pics de pollution (source : Santé publique France).
  • Aggravation des bronchites chroniques et des BPCO chez les adultes et personnes âgées.
  • Développement de troubles respiratoires précoces chez l’enfant exposé chroniquement.

Complications cardiovasculaires

  • Lien avéré entre pollution chronique, surtout particules PM2,5, et infarctus du myocarde. Une étude menée à Lyon par l’INSERM (2020) a montré une augmentation de 2,5% du taux d’hospitalisations lors des jours de forte pollution (INSERM Lyon).
  • Augmentation du risque d’accidents vasculaires cérébraux. Selon Santé Publique France, la pollution atmosphérique a été liée à 15% des AVC ischémiques dans la métropole lyonnaise sur la décennie 2010-2020.

Impact sur la mortalité globale et l’espérance de vie

L’Institut Santé Publique, Épidémiologie et Développement (ISPED) estime que près de 4000 décès prématurés chaque année sont attribuables à la pollution fine en Auvergne-Rhône-Alpes (Santé Publique France).

  • À Lyon, une réduction des particules fines à hauteur des seuils de l’OMS permettrait de gagner près de 8 mois d’espérance de vie pour les habitants de plus de 30 ans.

Les inégalités sociales et territoriales d’exposition sont particulièrement marquées en Auvergne-Rhône-Alpes.

  • Les enfants (notamment en zone urbaine dense), sont plus sensibles à la toxicité des polluants du fait de leur système respiratoire en développement.
  • Les personnes âgées et portant des maladies chroniques (insuffisants cardiaques, BPCO, diabète) sont plus fragiles face aux accidents aigus.
  • Les travailleurs exposés (conducteurs, livreurs, agents d’entretien) accumulent une dose quotidienne beaucoup plus forte que la moyenne.
  • Les quartiers défavorisés et les zones proches des axes routiers paient un lourd tribut à la pollution, contribuant à des inégalités flagrantes de santé (INSEE, 2021).

La prise de conscience est ancienne dans la région et a donné lieu à plusieurs plans d’action :

  • Le plan de protection de l’atmosphère (PPA) du bassin lyonnais vise la réduction du trafic automobile et le soutien à la mobilité douce.
  • Zone à faibles émissions (ZFE) instaurée à Lyon et progressivement étendue autour de Grenoble, limitant la circulation des véhicules les plus polluants.
  • Aide au changement de chauffage domestique, notamment dans la vallée de l’Arve, pour limiter l’usage des cheminées à foyer ouvert et remplacer les appareils anciens (Planète Énergie).
  • Actions pédagogiques dans les écoles (ex : monitorage de l’air dans la cour d’écoles à Clermont-Ferrand, implication des parents autour de la qualité de l’air en périphérie grenobloise).

Ces initiatives commencent à porter leurs fruits : la concentration annuelle de particules fines à Lyon a baissé de 20% en 10 ans, selon la métropole de Lyon. Toutefois, le rythme de progrès reste insuffisant pour répondre aux normes OMS (5 µg/m3 pour les PM2,5, un objectif loin d’être atteint partout).

Les données officielles s’enrichissent aujourd’hui de la contribution de citoyens sensibilisés à la surveillance de leur environnement, à travers des dispositifs « science participative » comme :

  • Capteurs citoyens de mesure de la qualité de l’air, installés par des groupes associatifs à Grenoble et Annecy.
  • Relevés de symptômes respiratoires envoyés via des applications de santé participative, croisant pics de pollution et consultations médicales.

Ces données, encore hétérogènes, confirment l’importance de la perception de la pollution par les habitants et le sentiment d’inégalité qu’elle suscite.

La réduction de la pollution de l’air en Auvergne-Rhône-Alpes passe par une série d’actions coordonnées :

  1. Renforcement de la surveillance en temps réel et meilleure diffusion d’alertes sanitaires lors des pics.
  2. Développement des transports propres et restructuration de la mobilité urbaine.
  3. Soutien massif à la rénovation thermique et à la substitution du chauffage au bois ancien.
  4. Sensibilisation renforcée des professionnels de santé à la prévention des effets de la pollution sur les populations à risque.

Mais la clé d’un progrès pérenne réside aussi dans l’implication de tous : institutions, collectivités, entreprise, citoyens et acteurs de la santé publique. La région s’illustre déjà par la richesse de ses initiatives locales et sa capacité à expérimenter de nouveaux dispositifs, qui pourraient inspirer d’autres territoires.

L’impact de la pollution de l’air en Auvergne-Rhône-Alpes, tant sur la mortalité que sur la qualité de vie, n’est plus à démontrer. Les enjeux sont considérables : près de 4000 vies pourraient être prolongées chaque année, avec des effets bénéfiques immédiats sur la morbidité, et à moyen terme, sur l’équité en santé. À une époque où l’urgence environnementale s’invite dans le quotidien de chacun, la mobilisation de la région est un signal fort. Les outils de surveillance se perfectionnent, les initiatives participatives essaiment, et une prise de conscience collective émerge, condition indispensable à un retournement positif pour la santé de tous.

Ressources recommandées :

En savoir plus à ce sujet :