Santé et environnement en Auvergne-Rhône-Alpes : état des inégalités et leviers d’action

31 octobre 2025

La région Auvergne-Rhône-Alpes se distingue par sa diversité géographique et socio-économique : métropoles denses, vallées industrielles, zones rurales isolées, montagnes… Cette variété engendre des contrastes forts et visibles en matière de santé environnementale. L’exposition aux nuisances dépend largement du lieu de vie, du niveau de revenu, ou encore de la précarité énergétique. L’Agence régionale de santé (ARS) relevait d’ailleurs dès 2022 des écarts significatifs d’espérance de vie et de taux de morbidité entre territoires voisins. Les populations les plus vulnérables paient le tribut le plus élevé aux pollutions et aux changements environnementaux.

L’Auvergne-Rhône-Alpes concentre plus d’un tiers des 13 agglomérations françaises les plus touchées par la pollution chronique de l’air aux particules fines (PM10 et PM2,5), selon Atmo Auvergne-Rhône-Alpes. Lyon, Grenoble, mais aussi plusieurs villes des vallées alpines (Chambéry, Annecy, Albertville) sont régulièrement classées en vigilance. En cause : trafic routier dense, activité industrielle (chimie, métallurgie, cimenteries), chauffage au bois peu performant en hiver et conditions topographiques qui accroissent les phénomènes de stagnation.

  • À Grenoble, la pollution de l’air serait responsable selon l’ORSRA (Observatoire régional de la santé) de 780 décès prématurés annuels attribuables aux particules fines (ORSRA).
  • En vallée de l’Arve, la concentration hivernale de particules dépasse fréquemment les niveaux critiques recommandés par l’OMS.
  • Les habitants des quartiers populaires, davantage exposés aux axes routiers ou vivant dans des logements mal isolés, supportent un fardeau disproportionné.

Les études indiquent par ailleurs que la pollution de l’air aggrave la prévalence de maladies respiratoires (asthme, bronchite chronique), augmente les admissions pour pathologies cardiovasculaires et majore les inégalités sociales en mortalité prématurée.

La région conserve une forte empreinte industrielle héritée de son histoire. Plusieurs sites classés “Seveso” et anciennes friches industrielles coexistent à proximité ou au sein de zones urbaines et pavillonnaires.

  • La plaine de la chimie au nord de Lyon (Feyzin, Saint-Fons) cumule émissions atmosphériques, rejets liquides, dépôts au sol, amiantage et proximité des habitations.
  • Dans les vallées industrielles (Gier, Tarentaise…), la contamination des sols au plomb, mercure ou PCB a laissé des traces persistantes.

Des enquêtes menées par Santé publique France mettent en évidence des taux de plombémie infantile supérieurs à la moyenne nationale dans certains quartiers anciens, du fait des peintures au plomb, mais aussi d’une contamination diffuse du sol. La précarité sociale amplifie le risque : logements insalubres, moindre accès à l’information, difficultés à faire valoir ses droits.

L’immense majorité des habitants d’Auvergne-Rhône-Alpes dispose d’une eau du robinet de bonne qualité. Néanmoins, certains territoires isolés cumulent des fragilités. Les communes rurales de montagne, les secteurs touchés par la sécheresse (Drôme, Ardèche) ou ceux concernés par la pollution agricole (nitrates, pesticides) connaissent régulièrement des restrictions, des dépassements de seuils, voire une interdiction temporaire de consommation.

  • En 2023, la sécheresse persistante a conduit à près de 60 communes (Préfecture AuRA) à mettre en place des dispositifs de ravitaillement.
  • Les populations les plus âgées ou les familles précaires souffrent le plus de l’absence de réserve ou de moyens logistiques pour accéder à une eau alternative.

Ce sont donc une fois encore les facteurs sociaux et territoriaux qui conditionnent l’exposition au risque sanitaire dans ce domaine.

La région se trouve en première ligne face au changement climatique : canicules intenses, épisodes orageux, inondations, feux de forêts en progression (+21% en dix ans selon la DREAL Auvergne-Rhône-Alpes). Ces événements frappent de façon différenciée :

  • Les quartiers urbains denses et mal végétalisés (“îlots de chaleur”) exposent particulièrement les personnes âgées, enfants et personnes fragilisées par une maladie chronique (ORSRA).
  • En milieu rural et montagnard, l’accès aux soins en période de crise peut s’avérer plus difficile, allongeant les délais d’intervention lors de pics de chaleur ou d’événements extrêmes.
  • Les ménages précaires disposent rarement d’une climatisation ou de moyens d’isolation suffisants dans leur logement.

La surmortalité constatée lors des vagues de chaleur, supérieure à la moyenne nationale dans certains départements (Allier, Loire, Rhône), témoigne de vulnérabilités structurelles mêlant facteurs sociaux, urbains et environnementaux.

La précarité énergétique — définie comme la difficulté à chauffer correctement son logement — concerne selon l’Insee plus de 10% des ménages en Auvergne-Rhône-Alpes. Or, la mauvaise isolation, l’humidité, l’exposition aux moisissures ou la surchauffe estivale favorisent la dégradation de la santé, accentuent les affections respiratoires et les troubles psychiques. Ce sont souvent les enfants, les personnes âgées ou à mobilité réduite qui en subissent le plus lourdement les conséquences.

  • Un rapport de la Fondation Abbé Pierre notait en 2022 une surreprésentation des pathologies chroniques chez les habitants des “passoires thermiques” régionales.
  • Les zones où le parc locatif social est plus ancien (banlieues périurbaines, vallées industrielles) cumulent à la fois exposition aux polluants et précarité énergétique.

Surveillance, données et participation citoyenne

À la base de toute politique, la connaissance et la transparence sont essentielles. La région dispose d’outils performants (Atmo Auvergne-Rhône-Alpes pour l’air, ARS pour l’eau, ORSRA pour les indicateurs populationnels). De plus en plus de collectivités impliquent citoyens et associations dans les comités de suivi (ex : Plan Climat Air Énergie Territorial, Conseil Local de Santé), permettant une meilleure identification des risques et besoins.

Renforcement de la prévention santé-environnement

  • Education à la santé environnementale : Des dispositifs comme les ateliers “Ma santé, mon quartier” en banlieue lyonnaise, destinés aux familles et scolaires, facilitent l’adoption de gestes protecteurs, notamment pendant les pics de pollution ou de chaleur.
  • Repérage systématique des populations à risque : De nombreux départements mettent en place des programmes de repérage et d’accompagnement spécifiques des femmes enceintes, enfants et personnes âgées exposés à une pollution plus forte ou à un habitat insalubre.

Aménagement urbain et lutte contre les sources de pollution

Des politiques de réduction du trafic routier, le développement de transports actifs (vélos, piétonnisation) ou la végétalisation urbaine (projets “coulées vertes”, extension des parcs lyonnais et grenoblois) montrent des effets concrets sur la qualité de vie des quartiers modestes, jusqu’alors marginalisés.

  • Rénovation énergétique des logements sociaux : Le plan régional “Habiter mieux” cible prioritairement les ménages précaires, avec des aides pour l’isolation, le chauffage propre ou la ventilation.
  • Diagnostics environnementaux autour des sites industriels, avec une meilleure implication des habitants pour définir priorités et plans d’action.

Accès aux soins et dispositifs sanitaires pour les populations précarisées

  • Des unités mobiles de santé environnementale, comme celles déployées par certains hôpitaux de Grenoble ou Lyon, facilitent le dépistage et l’accompagnement des populations vivant dans des habitats dégradés ou exposés à des polluants.
  • Développement de consultations médicales « santé et précarité » intégrant la dimension environnementale dans le suivi des patients, avec des partenariats entre médecins, travailleurs sociaux et associations.

La lutte contre les inégalités de santé d’origine environnementale en Auvergne-Rhône-Alpes est bien engagée, sans masquer la persistance de fractures profondes : exposition différenciée à la pollution, accès inégal aux équipements (espace verts, eau potable de qualité, logement sain), vulnérabilité accrue des groupes sociaux défavorisés. Ces enjeux réclament une approche globale, cohérente et participative. La réduction des inégalités passe par la capacité à impliquer tous les acteurs – institutions, collectivités locales, professionnels de santé, monde associatif et habitants eux-mêmes – dans des politiques convergentes, centrées sur la justice environnementale et sociale.

La prise de conscience régionale, l’innovation dans les outils de surveillance, les actions pilotes menées dans certains territoires… : autant de pistes pour inspirer d’autres initiatives, ou pour amplifier ceux déjà en marche. Ce n’est qu’à ce prix que l’égalité d’accès à un environnement sain, garant d’une bonne santé pour toutes et tous, pourra devenir une réalité tangible sur tout le territoire.

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Sources : Atmo Auvergne-Rhône-Alpes, ORS Auvergne-Rhône-Alpes, Santé Publique France, ARS Auvergne-Rhône-Alpes, Fondation Abbé Pierre, DREAL, INSEE, Fondation Tara Océan, Ministère de la Transition écologique.

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