La région Auvergne-Rhône-Alpes se distingue par sa diversité géographique et socio-économique : métropoles denses, vallées industrielles, zones rurales isolées, montagnes… Cette variété engendre des contrastes forts et visibles en matière de santé environnementale. L’exposition aux nuisances dépend largement du lieu de vie, du niveau de revenu, ou encore de la précarité énergétique. L’Agence régionale de santé (ARS) relevait d’ailleurs dès 2022 des écarts significatifs d’espérance de vie et de taux de morbidité entre territoires voisins. Les populations les plus vulnérables paient le tribut le plus élevé aux pollutions et aux changements environnementaux.
L’Auvergne-Rhône-Alpes concentre plus d’un tiers des 13 agglomérations françaises les plus touchées par la pollution chronique de l’air aux particules fines (PM10 et PM2,5), selon Atmo Auvergne-Rhône-Alpes. Lyon, Grenoble, mais aussi plusieurs villes des vallées alpines (Chambéry, Annecy, Albertville) sont régulièrement classées en vigilance. En cause : trafic routier dense, activité industrielle (chimie, métallurgie, cimenteries), chauffage au bois peu performant en hiver et conditions topographiques qui accroissent les phénomènes de stagnation.
Les études indiquent par ailleurs que la pollution de l’air aggrave la prévalence de maladies respiratoires (asthme, bronchite chronique), augmente les admissions pour pathologies cardiovasculaires et majore les inégalités sociales en mortalité prématurée.
La région conserve une forte empreinte industrielle héritée de son histoire. Plusieurs sites classés “Seveso” et anciennes friches industrielles coexistent à proximité ou au sein de zones urbaines et pavillonnaires.
Des enquêtes menées par Santé publique France mettent en évidence des taux de plombémie infantile supérieurs à la moyenne nationale dans certains quartiers anciens, du fait des peintures au plomb, mais aussi d’une contamination diffuse du sol. La précarité sociale amplifie le risque : logements insalubres, moindre accès à l’information, difficultés à faire valoir ses droits.
L’immense majorité des habitants d’Auvergne-Rhône-Alpes dispose d’une eau du robinet de bonne qualité. Néanmoins, certains territoires isolés cumulent des fragilités. Les communes rurales de montagne, les secteurs touchés par la sécheresse (Drôme, Ardèche) ou ceux concernés par la pollution agricole (nitrates, pesticides) connaissent régulièrement des restrictions, des dépassements de seuils, voire une interdiction temporaire de consommation.
Ce sont donc une fois encore les facteurs sociaux et territoriaux qui conditionnent l’exposition au risque sanitaire dans ce domaine.
La région se trouve en première ligne face au changement climatique : canicules intenses, épisodes orageux, inondations, feux de forêts en progression (+21% en dix ans selon la DREAL Auvergne-Rhône-Alpes). Ces événements frappent de façon différenciée :
La surmortalité constatée lors des vagues de chaleur, supérieure à la moyenne nationale dans certains départements (Allier, Loire, Rhône), témoigne de vulnérabilités structurelles mêlant facteurs sociaux, urbains et environnementaux.
La précarité énergétique — définie comme la difficulté à chauffer correctement son logement — concerne selon l’Insee plus de 10% des ménages en Auvergne-Rhône-Alpes. Or, la mauvaise isolation, l’humidité, l’exposition aux moisissures ou la surchauffe estivale favorisent la dégradation de la santé, accentuent les affections respiratoires et les troubles psychiques. Ce sont souvent les enfants, les personnes âgées ou à mobilité réduite qui en subissent le plus lourdement les conséquences.
À la base de toute politique, la connaissance et la transparence sont essentielles. La région dispose d’outils performants (Atmo Auvergne-Rhône-Alpes pour l’air, ARS pour l’eau, ORSRA pour les indicateurs populationnels). De plus en plus de collectivités impliquent citoyens et associations dans les comités de suivi (ex : Plan Climat Air Énergie Territorial, Conseil Local de Santé), permettant une meilleure identification des risques et besoins.
Des politiques de réduction du trafic routier, le développement de transports actifs (vélos, piétonnisation) ou la végétalisation urbaine (projets “coulées vertes”, extension des parcs lyonnais et grenoblois) montrent des effets concrets sur la qualité de vie des quartiers modestes, jusqu’alors marginalisés.
La lutte contre les inégalités de santé d’origine environnementale en Auvergne-Rhône-Alpes est bien engagée, sans masquer la persistance de fractures profondes : exposition différenciée à la pollution, accès inégal aux équipements (espace verts, eau potable de qualité, logement sain), vulnérabilité accrue des groupes sociaux défavorisés. Ces enjeux réclament une approche globale, cohérente et participative. La réduction des inégalités passe par la capacité à impliquer tous les acteurs – institutions, collectivités locales, professionnels de santé, monde associatif et habitants eux-mêmes – dans des politiques convergentes, centrées sur la justice environnementale et sociale.
La prise de conscience régionale, l’innovation dans les outils de surveillance, les actions pilotes menées dans certains territoires… : autant de pistes pour inspirer d’autres initiatives, ou pour amplifier ceux déjà en marche. Ce n’est qu’à ce prix que l’égalité d’accès à un environnement sain, garant d’une bonne santé pour toutes et tous, pourra devenir une réalité tangible sur tout le territoire.
---Sources : Atmo Auvergne-Rhône-Alpes, ORS Auvergne-Rhône-Alpes, Santé Publique France, ARS Auvergne-Rhône-Alpes, Fondation Abbé Pierre, DREAL, INSEE, Fondation Tara Océan, Ministère de la Transition écologique.